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La Sleeve de Ginie

Le dumping syndrome

Prise en charge pluridisciplinaire des syndromes de dumping après chirurgie bariatrique
Les syndromes de dumping sont une complication fréquente de la chirurgie gastrique ou bariatrique. Le dumping précoce est la conséquence d’un passage rapide d’aliments peu digérés à haut pouvoir osmotique dans l’intestin grêle. Le dumping tardif est causé par une hypoglycémie réactive à une réponse insulinique excessive. La prévalence de ces syndromes augmente en raison du nombre croissant de chirurgies bariatriques. Leur prise en charge requiert une collaboration multidisciplinaire. Le traitement de ces dumpings consiste en première ligne en des modifications diététiques et comportementales, propres à chaque type de dumping, qui permettent généralement d’améliorer significativement la qualité de vie des patients.

INTRODUCTION

La chirurgie bariatrique est désormais reconnue comme l’intervention thérapeutique la plus efficace pour traiter l’obésité. Son impact sur la réduction de nombreuses comorbidités liées à l’excès pondéral ainsi que sur l’amélioration de la qualité de vie a été clairement démontré.1 Toutefois, il est important de rappeler que cette intervention peut également entraîner des complications sur le long terme. Parmi celles-ci, les carences en micronutriments et vitamines, le risque d’ostéoporose ou les excès cutanés. Nous souhaitons traiter dans cet article de deux complications fréquentes après chirurgie bariatrique : le syndrome de dumping précoce et le syndrome de dumping tardif ou hypoglycémie hyperinsulinémique. Ils occasionnent des malaises parfois invalidants. L’augmentation du nombre d’interventions de chirurgie bariatrique au cours de la dernière décennie a notablement accru l’incidence des dumpings ; toutefois, il est important de rappeler qu’ils ne sont pas exclusifs à la chirurgie bariatrique mais peuvent être rencontrés après une résection gastrique.2

Le but de cet article est de sensibiliser tout soignant en charge d’un patient ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique à ces deux syndromes, de leur donner des outils cliniques permettant de différencier les deux types de dumpings afin de les traiter de manière spécifique pour contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des patients.

PHYSIOPATHOLOGIE, PRÉVALENCE ET SYMPTOMATOLOGIE DES SYNDROMES DE DUMPING
Syndrome de dumping précoce

Le syndrome de dumping précoce est fréquent après une chirurgie bariatrique de type by-pass gastrique ou gastrectomie en manchon (sleeve). Il est la conséquence de l’arrivée rapide d’aliments peu digérés et ayant un important pouvoir osmotique dans l’intestin grêle. Ce bol alimentaire entraîne une surcharge osmotique intestinale qui cause un passage du liquide intravasculaire dans la lumière intestinale, ceci entraînant une hypovolémie relative. De plus, la modification de la sécrétion de certaines hormones gastro-intestinales (vasoactive intestinal peptide, gastric inhibitory polypeptide) après ces chirurgies entraîne des modifications de la motilité intestinale favorisant probablement la survenue de ce syndrome. Il survient particulièrement après la consommation d’aliments gras ou sucrés et les symptômes apparaissent déjà durant la prise alimentaire ou immédiatement après celle-ci. Les symptômes gastro-intestinaux et / ou vasomoteurs sont décrits dans le tableau 1. La prévalence de ce syndrome varie dans la littérature. Laurenius et coll.3 rapportent que 12 % des patients après by-pass gastrique ont des symptômes de dumping précoce marqués, 1 à 2 ans après l’intervention chirurgicale, mais il est important de noter que plus de 70 % des patients interrogés renonçaient régulièrement à certains aliments afin d’éviter la survenue de ce syndrome. Il est intéressant de relever que certains auteurs4 signalent que tous les patients ne considèrent pas ce phénomène comme un effet indésirable de leur intervention chirurgicale mais comme une conséquence positive dans la mesure où il représente pour eux un outil leur permettant de limiter la consommation d’aliments trop riches en calories. Dans notre expérience, le dumping précoce peut en effet être vécu de manière différente selon les patients, mais la compréhension du syndrome est nécessaire pour que ces derniers acceptent et vivent sereinement avec cette conséquence de la chirurgie bariatrique.

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Syndrome de dumping tardif

Ce syndrome est attribué à une hypoglycémie réactive. L’arrivée rapide d’hydrates de carbone non digérés dans la lumière intestinale entraîne une élévation précoce de la glycémie et une réponse insulinique importante, parfois exagérée, qui peut occasionner une hypoglycémie. L’augmentation marquée du GLP-1 (glucagon-like peptide 1) décrite après la chirurgie bariatrique et particulièrement après un by-pass gastrique participe à l’augmentation de la sécrétion d’insuline. Les symptômes (tableau 1) surviennent typiquement 60 à 240 minutes après la consommation d’un repas, jamais à jeun. Leur prévalence dans la littérature est très variable (0,2 à 10 %)5,6 mais cette variabilité est probablement expliquée par une difficulté diagnostique. En effet, cette prévalence est estimée autour de 10 % par les équipes multidisciplinaires expérimentées dans le suivi des patients après chirurgie bariatrique et accordant de l’importance à des symptômes jusque-là sous-estimés.7

Ce syndrome de dumping tardif, contrairement au précoce, n’apparaît qu’à distance de l’intervention chirurgicale (12–18 mois après cette dernière). De ce fait, son évocation est moins aisée, les patients ne faisant pas nécessairement le lien entre une nouvelle symptomatologie et une intervention chirurgicale effectuée il y a plus d’une année. De plus, des valeurs glycémiques basses de manière répétée peuvent entraîner une insensibilité aux hypoglycémies et ainsi un diagnostic plus difficile et souvent plus tardif. Finalement, le patient peut aussi s’habituer et s’accommoder de ses malaises qu’il perçoit comme « le prix à payer ». Les dumpings tardifs peuvent cependant altérer considérablement la qualité de vie des patients s’ils ne sont pas pris en charge attentivement et avoir des répercussions dramatiques avec notamment des accidents en cas de conduite automobile.8 Bien qu’il ne soit pas possible d’identifier avec certitude les patients les plus à risque de présenter cette complication, le risque semble augmenter chez les patients ne présentant pas de diabète avant l’intervention et ayant ainsi une réserve intacte en cellules bêta sécrétant de l’insuline.

DIAGNOSTIC DES SYNDROMES DE DUMPING

Une anamnèse ciblée afin d’identifier des éventuels malaises, fatigue postprandiale, tremblements, palpitations devrait être réalisée régulièrement auprès de chaque patient ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique. Certaines questions orientent le diagnostic (tableau 2).

Tableau 2

Questions permettant d’identifier un syndrome de dumping précoce ou tardif

 

Le syndrome de dumping précoce sera donc évoqué lorsque des symptômes gastro-intestinaux et / ou vasomoteurs apparaissent durant la prise alimentaire ou immédiatement après. Les patients identifient aisément la survenue de ce type de malaise avec la consommation de certains aliments (gras ou sucrés) qu’ils évitent généralement de manger par la suite. Le syndrome de dumping précoce n’occasionne pas de douleurs et un diagnostic alternatif doit donc être évoqué en cas de dysphagie ou d’odynophagie. Il s’agit alors d’exclure une sténose, un ulcère ou une fistule par le biais d’une gastroscopie ou d’un transit œsogastroduodénal.

Le syndrome de dumping tardif doit être évoqué lorsque des symptômes adrénergiques ou neuroglycopéniques sont rapportés par le patient et surviennent à distance de la prise alimentaire. Ce diagnostic peut être compliqué par un comportement de compensation mis en place par le patient afin de limiter la symptomatologie, telle qu’une consommation répétée de boissons sucrées ou de bonbons sucrés. Un diagnostic différentiel avec les autres causes d’hypoglycémie hyperinsulinémique doit être réalisé. Notamment, un insulinome sera évoqué si les hypoglycémies surviennent à jeun. Une prise cachée de médicaments abaissant la glycémie doit également être évoquée.

PRISE EN CHARGE DES SYNDROMES DE DUMPING
Dumping précoce

Des conseils diététiques consistant à augmenter le temps alloué à la prise des repas et éviter les aliments identifiés comme déclencheurs permettent aisément de soulager les patients (tableau 3). Toutefois, la difficulté réside dans la capacité à maintenir ces changements sur le long terme.

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Dumping tardif

La prise en charge repose essentiellement sur des mesures diététiques mais la compréhension du patient est essentielle pour que ce dernier adhère, à long terme, aux modifications proposées. Un apprentissage pour la réalisation d’autocontrôles de la glycémie capillaire peut être proposé. Toutefois, cette démarche ne permet pas nécessairement au patient de comprendre le phénomène. Dans notre expérience, nous avons observé que la réalisation d’une mesure de la glycémie en continu, couplée à l’utilisation d’un carnet alimentaire et à un relevé des symptômes sur plusieurs jours, permettait aux patients d’avoir une compréhension globale de la problématique. Ils sont ainsi en mesure de mettre en lien la symptomatologie ressentie avec les courbes glycémiques. La figure 1 donne un exemple des résultats obtenus après une telle mesure. On observe une augmentation glycémique rapide faisant suite à une prise alimentaire riche en hydrates de carbone à index glycémique élevé, suivie d’une baisse excessive de la glycémie. Il est important de préciser que les patients peuvent ressentir des symptômes d’hypoglycémie alors que la valeur glycémique est encore dans la norme, en raison d’une chute glycémique rapide. Lorsque le patient a pu observer et comprendre le phénomène occasionnant les hypoglycémies, il est beaucoup plus aisé de proposer les modifications diététiques et comportementales (tableau 3).

Fig 1

Exemple de dumping tardif

Patient âgé de 44 ans. By-pass gastrique en 2010. IMC préopératoire 42 kg /m2. IMC de 29 kg /m2 à 5 ans postopératoires. Depuis 2013, se plaint de faiblesse et sensation de « coton dans les jambes » avec somnolence deux heures après les prises alimentaires. Une analyse de la mesure du glucose en continu est proposée. Nous extrayons ci-dessous la courbe glycémique d’un jour et nous mettons en évidence trois élévations glycémiques rapides au moment des repas et deux épisodes d’hypoglycémie ressentis deux heures après le repas du midi et du soir.

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Les modalités de correction des hypoglycémies sont également importantes. En effet, en cas de consommation d’un aliment à index glycémique élevé, on observera une nouvelle ascension glycémique rapide, suivie d’une baisse excessive (figure 2). Ce phénomène de rebond est particulièrement désagréable et la mesure de la glycémie en continu peut apporter une aide diagnostique précieuse.

Fig 2

Exemple de l’« effet rebond

» Une autre journée de l’analyse du glucose en continu démontre le phénomène de « rebond » en raison d’une surcorrection des hypoglycémies. Le patient parle d’une sensation de malaise et d’épuisement depuis 15 h 00.

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Dans tous les cas, une approche multidisciplinaire intégrant le patient est essentielle. Il est nécessaire d’utiliser les outils à disposition pour qu’il comprenne la physiopathologie occasionnant les dumpings tardifs et adhère ainsi à long terme aux modifications diététiques et comportementales qui lui sont proposées. Si les mesures diététiques sont insuffisantes, il est proposé de débuter un traitement d’acarbose, un inhibiteur de l’alpha-glucosidase qui interfère avec l’absorption d’hydrates de carbone au niveau intestinal. Ce traitement provoque cependant des effets indésirables fréquents au niveau gastro-intestinal (ballonnements, flatulences, selles liquides). Des traitements par analogue de la somatostatine9 ou vérapamil10 ont été mentionnés comme efficaces dans quelques cas.

CONCLUSION

Les syndromes de dumpings précoce et tardif sont généralement aisément soulagés par des mesures diététiques et comportementales. Si le patient comprend et observe facilement l’impact direct de son alimentation sur la survenue ou non d’un dumping précoce, le lien entre l’alimentation et la survenue d’un dumping tardif est moins intuitif. Dans notre expérience, une prise en charge multidisciplinaire associant médecin, diététicienne, infirmière et psychologue, centrée sur le patient et soutenue par des outils tels que la mesure de la glycémie en continu ainsi qu’un enseignement attentif et individualisé, constituent une aide précieuse.

Conflit d’intérêts :

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Implications pratiques

▪ Les syndromes de dumping peuvent influencer considérablement la qualité de vie des patients. Ils doivent être activement recherchés par les professionnels de la santé qui suivent les patients après une chirurgie bariatrique

▪ Le syndrome de dumping précoce est soulagé par des modifications diététiques et comportementales

▪ Le syndrome du dumping tardif peut être nettement amélioré par des modifications diététiques mais parfois un traitement médicamenteux est nécessaire

▪ Un patient informé et comprenant les mécanismes physiopathologiques occasionnant les deux types de syndrome sera plus à même de maintenir les modifications diététiques et comportementales sur le long terme

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